Archives mensuelles : juin 2008

La stigmatisation n’est pas une bande dessinée

La stigmatisation n’est pas une bande dessinée

 

Texte : Yves Casgrain

 

Batman et Robin ! Ces deux personnages d’une bande dessinée fort populaire, et qui prend l’affiche dans certains cinémas, sont les héros d’un monde improbable peuplé de psychotiques psychopathes meurtriers. Plus d’un lecteur de la revue Mentalité ont lu et vu les aventures passionnantes de ces légendaires justiciers sans pour autant se scandaliser du fait que les faire-valoir de Batman et de Robin sont tous dépeints comme des dangereux  fous furieux. Devraient-on ?

 

Selon une étude réalisée en Nouvelle-Zélande, les enfants sont exposés, via les émissions qui leur sont destinés, aux préjugés véhiculés contre les personnes atteintes par la maladie mentale. Ainsi les personnages souffrant de problèmes psychiques sont dépeints comme des objets d’amusement, de dérision ou de peur. De plus leurs auteurs, qui ne font pas dans la dentelle, font de cas particuliers et spectaculaires une norme au sein de la communauté de personnes souffrant d’une maladie mentale. Même les films produits par Disney n’y échappent pas ! Un spécialiste a démontré que 21% des personnages principaux sont présentés comme souffrant de maladie mentale. Tout comme pour la programmation destinée à la télévision, ces derniers sont présentés comme des objets de peur, de dérision ou d’amusement. [1]

 

Lorsque ces jeunes téléspectateurs vieillissent, ces stéréotypes viennent les hanter aux travers les émissions de télévision et les films qu’ils écoutent. Aux États-unis, diverses études ont démontré que les personnages présentés comme atteints par une maladie mentale sont significativement plus violents que les personnes atteintes par des problèmes psychiques le sont dans la vie réelle. [2] Ainsi plus de 70% des personnages principaux atteints par une maladie mentale sont décrits comme des personnes violentes et plus de 20% comme des assassins. [3]  Les films ne sont pas en reste puisqu’ils sont le repère de biens des malades mentaux meurtriers ou au mieux complètement désorganisés.

 

Bien que fictif, ce portrait véhiculé par les œuvres de fiction est malheureusement assimilé, de manière inconsciente, par les spectateurs généralement peu informés sur la réalité des personnes atteintes par une maladie psychique. Or, les conséquences des images négatives véhiculées par les médias sont profondes. Parmi elles, citons une estime de soi fragilisée.

 

Les préjugés entretenus par les médias sont une des causes de l’isolement d’une partie de la population atteinte par la maladie mentale. Toutefois, les médias peuvent être une source d’intégration comme en fait foi Mentalité et l’émission radiophonique Folie-Douce.  En Argentine, une radio, nommée La Colifata, créée par un étudiant en psychiatrie, diffuse, en directe une fois la semaine et en reprise sur d’autres chaînes, une émission radiophonique. Celle-ci est animée par des patients du plus grand hôpital psychiatrique d’Argentine. Des politiciens, des artistes figurent parmi les invités. Près d’un tiers des participants ont été autorisés à quitter l’hôpital tout en suivant un traitement de jour. [4]

 

Alors faut-ils se scandaliser de constater que les faire-valoir de Batman et de Robin sont des fous furieux ? Peut-être pas ! Toutefois, il serait peut-être indiqué, comme le suggère certains, de dénoncer les téléromans, les films, les romans et autres œuvres de fiction contemporaines qui colportent des préjugés «tout en favorisant l’éclosion d’une représentation médiatique plus exacte et positive de la maladie mentale et des personnes qui en souffre.» [5] Il s’agit d’un combat en tout point «analogue à la lutte qu’ont dû mener d’autres groupes minoritaires ou défavorisés.» [6]  Selon un spécialiste des médias, ces derniers «ne changerons pas tant qu’il n’y aura pas un mouvement de masse l’exigeant.» [7]  Sommes-nous prêt à mener ce long combat ?

 

Un grand Merci !

 

Je profite de l’occasion pour féliciter Jo-Annie Amyot qui a gardé le fort durant mon année sabbatique. Grâce à elle Mentalité  est demeurée une revue digne de ce nom. Toute l’équipe rédactionnelle se joint à moi pour te dire : MERCI !

 


[1] Heater Stuart, «Media Portrayal of Mental Illness and its Treatments. What Effect Does it Have on People with Mental Illness?», CNS Drugs 2006; 20 (2) : 99-106, pp. 100-101

[2] Ibidem, p. 100.

[3] «Santé mentale, maladie mentale et toxicomanie : Aperçu des politiques et des programmes au Canada», Rapport 1, 7 octobre 2004, http://parl.gc.ca

[4] La Colifata : la radio des fous, http://revue-medias.com/article.php3?id_article=336

[5] «Santé mentale, maladie mentale et toxicomanie», opus cité.

[6] Ibidem

[7] Ibidem

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Classé dans Santé & bien-être

Un anti-sectaire au Congrès Eucharistique

Un anti-sectaire au Congrès Eucharistique de Québec

 

Par Yves Casgrain

Consultant en mouvements sectaires

Auteur du livre Les sectes : Guide pour aider les victimes

Animateur du blog Journal d’un anti-sectaire

http://lantisectaire.spaces.live.com

 

 

Il y a quelques mois le responsable de la pastorale de ma paroisse a demandé à ma femme et à moi-même si nous voulions être délégué au Congrès Eucharistique. C’est sans hésitation aucune que nous avons accepté cette offre providentielle. Providentielle car, comme des milliers de catholiques québécois, je me pose de sérieuses questions quant à l’avenir de la pratique religieuse au sein de notre province. Le taux de participation aux messes dominicales ne cesse de diminuer. Bien plus, aucun nouveau candidat à la prêtrise ne s’est inscrit dans un Séminaire du Québec. Personne à Montréal, personne à Chicoutimi, personne à Québec… Personne ! Il y a bien sûr des candidats à la prêtrise qui passeront par les Facultés de théologie. Néanmoins, nous sommes devant un signe des temps qu’il nous faut décrypter.

 

Le Congrès Eucharistique sera pour moi, et pour des milliers d’autres catholiques, j’en suis convaincu, un temps de réflexion, de discussions et de partages sur cette inquiétante situation. Le Congrès Eucharistique sera également un temps de méditation, de prière, et de participations Eucharistiques. En fait, ces manifestations de la foi catholique constitueront le cœur de ce grand rassemblement international. N’en déplaise à certains catholiques contestataires qui n’ont ne cesse de discréditer l’Église.

 

Contrairement à ce qu’ils colportent dans les médias, et plus particulièrement dans Le Devoir, ils ne sont pas les seuls à se préoccuper de la crise au sein de l’Église Catholique. Ils ne sont pas les seuls à chercher des nouveaux moyens d’attirer les croyants non pratiquants. C’est justement ma préoccupation première au sein de ma paroisse. Mon implication porte la marque de l’évangélisation dans un monde en perte de sens. Je suis bien placé pour savoir que l’Église catholique, malgré les scandales dus à certains de ses enfants, parfois scandaleusement camouflés par la hiérarchie, peut offrir ce que cherchent nos contemporains en recherche.

 

Les sectes, les nouvelles religions, les mouvements ésotériques et occultes attirent encore. Toutefois, dans une société individualiste comme la nôtre, se sont souvent les idées véhiculées par ces organisations qui rejoignent les chercheurs de sens. La participation au sein de ces groupes est souvent faible. Normale puisque c’est l’engagement à long terme qui est en crise. C’est une des raisons qui explique la crise vécue par l’Église Catholique. Elle n’est pas la seule à perdre des fidèles dans une société de plus en plus sécularisée.

 

Devant la baisse de participation à la messe dominicale, devant la baisse catastrophique des prêtres québécois, des Frères et des Sœurs au sein des différentes communautés religieuses québécoises, il est impératif de s’arrêter pour réfléchir à l’avenir de l’Église Catholique. Pour se faire, il faut avoir le courage de regarder son passée pour y illuminer ses ombres mais aussi pour éclairer ses grandioses et courageuses réalisations que des centaines d’années de dénigrements intellectuels ont relégué dans la noirceur.  Le passé est source d’enseignement profond qui nous aide à fixer l’avenir avec un regard neuf et plein d’espérance. Il faut également prendre le temps de se mettre à genoux pour prier, méditer, et demander pardon pour toutes les fois où nous n’avons pas été à la hauteur des premiers évangélisateurs de ce Québec dont nous célébrons le 400ième anniversaire. Car il ne faut pas l’oublier, comme semble l’avoir fait mes frères catholiques réfractaires, l’Église c’est nous ! Si il y a crise en la demeure, c’est aussi de notre faute, pas seulement celle de la hiérarchie.

 

Le discours des contestataires ne reflète pas la réalité de l’Église Catholique. Cette dernière n’est pas monolithique comme peuvent l’être les mouvements sectaires. Mon curé nous a manifesté poliment et respectueusement son agacement devant la procession qui aura lieu lors du Congrès Eucharistique. Cependant, moi qui ne suis pas pourtant un traditionaliste, trouve que ce genre de manifestation peut frapper l’imaginaire des croyants non pratiquants et peut contribuer à un retour à la pratique cultuelle.  Je considère que le dépouillement successif de l’Eucharistie a joué un rôle non négligeable dans la baisse de participants. Il y a plus, il est vrai ! Mais à force d’évacuer le Mystère pour la simple raison qu’il n’est pas scientifique équivaut à un suicide purement et simplement.

 

Évacuer du discours catholique l’œuvre des anges, la part du diable, la résurrection du Christ, ses miracles et ses guérisons physiques et intérieures, comme le font certains théologiens, est le signe que la foi n’est plus au rendez-vous. Du moins celle propagée par l’Église catholique. Oui, il s’agit belle et bien ici de la foi, de la croyance et non du Savoir rationnel, scientifique. Nous pouvons vivre notre foi en toute rationalité mais pour ce faire il faut également assumer sa part d’irrationnel, de Mystère.

 

Les grands promoteurs des œuvres caritatives mis sur pied par des hommes et des femmes d’Église possédaient cette foi que les critiques voudraient faire disparaître. Ils oublient qu’elle est la base de toutes actions envers les pauvres, les déshérités, les exclus. C’est cette même foi en l’Eucharistie qui me permet de me donner à mes frères et à mes sœurs atteints par la maladie mentale. Nier l’importance de l’Eucharistie, c’est tarir la Source qui maintient en vie l’Église Catholique.

 

Vive le Congrès Eucharistique !

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