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Luttons contre les promesses mortifères des pseudo-thérapeutes

Au moment où sont publiées ces lignes, un homme pleure la mort de sa conjointe dont le corps a été retrouvé dénudé dans un boisé situé près de sa demeure. Cette dernière était en proie à « de courts épisodes de déséquilibre émotionnel hors de l’ordinaire ». Adepte de la médecine dite naturelle, son conjoint préférait faire usage de la naturopathie afin d’aider sa compagne. Dans un communiqué publié par le quotidien La Presse, il écrit : « Je ne suis ni psychologue ni intervenant et, bien que je sois fervent des médecines alternatives, je n’ai jamais hésité à consulter en médecine traditionnelle lorsque je ressentais que c’était nécessaire ».

Cet aveu me laisse perplexe.

Je possède une certaine expérience professionnelle de la maladie mentale. En effet, durant sept ans j’ai été animateur responsable d’une revue spécialisée dans le domaine de la santé mentale. Son comité de rédaction était composé de personnes vivant avec une maladie psychique. Les rédacteurs avaient un bon potentiel intellectuel qui n’était pas affecté par les effets secondaires de leur médication. Certains m’ont suivi durant toutes ces années. Je les connaissais bien. Habituellement, je savais détecter les phases pré-psychotiques des rédacteurs. Pourtant, il m’arrivait d’être surpris par la « rechute » d’un membre de la revue. Je n’avais pas perçu les signes avant-coureurs.

Tout cela pour dire qu’il n’est pas toujours facile, même pour un proche, de voir venir la psychose. Voilà pourquoi il est impératif de consulter régulièrement les professionnels de la santé mentale. Je sais bien que le réseau n’est pas parfait. Il a ses failles dans lesquelles s’engouffrent des malades. Pourtant, d’énormes progrès ont été réalisés ces dernières années. Les proches des personnes vivant avec une problématique psychique peuvent compter sur un réseau de professionnels compétents : psychiatres, infirmières, travailleurs sociaux, animateurs, pairs aidant…

Encore faut-il avoir confiance. Dans le cas présent, il semble bien que cette confiance ait été ténue. Le conjoint de la dame décédée avait même consulté une pseudo-thérapeute quelques minutes avant sa disparition. Il affirme avoir eu l’intention de consulter un spécialiste dans les quarante-huit heures après la consultation si son état psychique ne s’était pas amélioré.

Manifestement, son conjoint s’était laissé charmer par le chant des sirènes. Assez du moins pour se servir de la psychiatrie comme d’une voie secondaire. Bien des raisons peuvent expliquer ce choix malheureux. Le monde psychiatrique fait peur. Il ressemble à un univers froid, inhumain. Parfois, les malades sont victimes de dérapages trop souvent ignorés. Les proches d’un malade hésitent souvent avant de le confier au système. Alors quand des pseudo-thérapeutes viennent proposer de soulager, voire de guérir par le moyen de méthodes plus douces, certains succombent. Ils les laissent entrer dans la tête de leur proche malade. Parfois, c’est la personne atteinte par cette terrible maladie qui tombe sous le charme. Elle aussi laisse entrer dans sa tête le pseudo-thérapeute qui lui promet de chasser définitivement ses fantômes. Ce n’est pas une question d’intelligence. C’est une question d’émotions!

Lorsque tout va bien, il est plus facile de garder la tête froide et d’empêcher un pseudo-thérapeute d’y entrer. Pas quand les émotions sont sens dessus dessous. Car dans le tohu-bohu psychique, le rationnel n’est plus. En cela la publicité de l’Ordre des psychologues du Québec fait fausse route. La personne malade qui consulte un charlatan n’a pas l’impression de laisser entrer n’importe qui dans sa tête. Au contraire, elle est convaincue d’avoir trouvé l’expert qui, enfin, va la soulager.

J’invite les experts du domaine de la santé mentale, de la médecine, de la sociologie, de la théologie, de l’anthropologie et des pseudo-thérapies ainsi que le gouvernement à étudier en profondeur et avec compassion ce domaine particulier afin de trouver les divers moyens préventifs et répressifs susceptibles d’endiguer ce fléau. Manifestement, il faut bien plus qu’une loi transformant la psychothérapie en « une profession et un acte réservés, mais partagés » pour protéger les personnes en état de faiblesse contre les promesses parfois mortifères des pseudo-thérapeutes.

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